Les feuilles poussaient à un rythme effréné. On aurait dit qu’elles profitaient toujours d’un moment ou je ne regardais pas pour sortir du bourgeon. J’avais beau fixer mon objectif sur ces boutons, je ne pouvais jamais saisir le moment précis où elles se déployaient. Elles n’étaient pas là et soudain elles y étaient.
Les fougères, transperçaient le sol d’un coup sec, se recroquevillaient comme des ressorts de dentelles, et explosaient vers le ciel. Tout cela à mon insu.
Pareil pour les fleurs. Comme si le fait de ne pas les regarder les inspiraient à naître davantage. Alors j’épiais, avec mon appareil photo, mais n’ayant pas l’air de le faire dans l’espoir de me laisser surprendre par l’instant furtif.
Et c’est ainsi que je ne réussis jamais à prendre cette photo.
Pas un seul cliché parmi les dizaines que j’avais pris, ne réussi à susciter le degré d’émotion qu’aurait dû provoquer la capture de ce moment. Même celle où la poussière en suspension au dessus du bourgeon débordant, s’installa sur ma carte mémoire sans que je sache quand exactement.
L’insaisissable instant se déroulait en continue, sans début ni fin. Pas de formule mathématique pour prédire sa venue. Je constatais humblement, la grandeur de la vie versus la petitesse de mon objectif.
Je m’installais dans un rayon de soleil question de réchauffer la stupeur qu’avait causé cet émoi. Question de faire durer mon ravissement soudain de constater que tout ou presque tout m’échappe.
Cr 21 mai 2013